C'est la larme au stylo et les zygomatiques en berne que j'écris ces lignes à l'heure où j'ai encore du mal à réaliser qu'un de nos plus grands acteurs, et sans doute l'un des comiques les plus doués de sa génération, nous quitte en nous laissant un sourire figé.
Cette icône, que certains appelait affectueusement « Le grand dadais », vient de faire sa dernière blague, qui nous fait cette fois-ci pleurer.
Mais revenons sur le parcours de ce grand homme au service du rire que tout le monde pense connaître.
Les débuts de sa carrière remontent aux années 50. Ce seront quelques années de figuration où il touchera à tous les aspects du métier d'acteur, avec notamment un passage au PC, ou bien lorsqu’il effectuera un stage dans la cavalerie, où il y fera le zouave. « Fallait bien que j’apprends le métier » commentera-t-il ironiquement.
C'est après une petite décennie d’errance, soit à la fin des années 60, qu’il commence à faire un peu parler de lui dans le cercle des comiques troupiers, à une époque où le « stand-up » n’existait pas encore, mais où il pratiquait avec un grand intérêt l’art de l’improvisation. Pour exemple son inscription à la version française de l’école américaine Actors Studio, l’école du RPF (Recherche Permanente de Folie) en 1958 « sans savoir ce que je faisais ». Génial.
Il commencera à jouer des seconds rôles pendant les années 70, avec le 1er rôle Giscard. Le duo n'aura d'égal, à l'époque, que le tandem DeFunes – Montand.
Rompant avec son alter-égal Giscard, qui ne s'en remettra jamais vraiment, il décide de créer sa troupe de spectacle, à l'instar de Fugain et de son Big Bazar, avec le RPR : Rassemblement Pour le Rire.
Et c'est enfin un premier 1er rôle, avec son film "de Matignon à la Mairie de Paris", sur lequel il mise énormément, en portant la multiple casquette à la fois de réalisateur, auteur, et responsable du casting. Il n'en restera finalement pas grand-chose. Il l’avouera lui-même quelques années plus tard, revenant sur son parcours qui sera truffé de phrases cultes mais dont seule restera de cette production la tordante "je m'engage à rendre la Seine plus propre et même à m'y baigner".
J'en ris encore.
Mais il aura à attendre un peu pour que les vrais grands premiers rôles arrivent, car, pour l’instant, la vedette Mitterrand est en haut de l’affiche, raflant tous les castings et s’imposant comme la vedette dramatique par excellence.
Il attend son heure, il peaufine encore son jeu.
On se souvient de son inénarrable spectacle intitulé "La Fracture Sociale" dans lequel il dépeint au vitriol une société dans laquelle il ne se reconnaît plus. L'artiste a changé, à grandi.
Il a mûri.
Il ne veut plus être qu'un amuseur, il se sent responsable. Et ça paye.
C'est enfin la consécration pour celui qui travaille sans relâche, accédant enfin au premier rôle tant désiré avec la superproduction « Chichi 1 – France 0 ».
Étant prêt à tous les sacrifices pour nous faire dérider et nous faire réfléchir, il écrit le spectacle "Hiroshima mon cul", summum de l’humour antimilitariste, n’hésitant pas à le sortir au lendemain du 50ème anniversaire du largage de la 1ère bombe atomique.
C’est pas de l’humour engagé, ça, Madame ?
Malheureusement, le vent tourne et le public le boude dans les salles. Ses prestations dans les films de l’époque, et ayant pour acolyte Alain Juppé, n’enchantent guère les foules. Alignant échec sur échec, en pleine dépression, il n’hésite pas à arrêter un tournage en court et à stopper le duo avec Juppé. Il va chercher longtemps qui pourrait avoir la stature de son ancien camarade de jeu, pour arrêter son choix, enfin et à la surprise générale, sur Lionel Jospin, lequel semble à l’opposé de Chirac, ne vivant que dans l’univers Shakespearien plutôt que dans la gaudriole Chiraquienne. Suivront des productions bien faites, honnêtes, qui feront plaisir à voir, mais s’y sentant un peu à l’étroit...
Pour preuve, et pour se remettre dans la course, il piochera sans scrupule dans les bons vieux scénarii, et n’hésitera pas à sortir un film, une suite, au goût de déjà vu : « Chichi 2 – France 0 », qui fera tout de même salle comble et ce sera d’ailleurs son plus grand succès public(*).
Mais, grandeur et décadence, l’artiste se perd dans un humour que certains n’hésitent pas à appeler de tarte-à-la-crème, tandis que ses amis continuent à le nommer avant-gardiste. Les spectacles sur l’Europe, puis le double album live CNE/CPE accumulent les mauvaises critiques auprès du public et de la presse, comme Télérama, c’est dire à quel point c’était caca.
Enfin, bref, il s’en est allé le Monsieur. Il nous laisse un peu orphelin.
J’ai dis un peu, faut pas trop délirer non plus.
ERRATUM : c’est à la surprise générale que nous apprenons, au moment même de mettre l'article en ligne, que Jacques Chirac et bel et bien vivant et qu’il n’est « pas près à ce qu’on lui pique la place » et qu’il plancherait sur un nouveau spectacle.
Toutes nos excuses à sa veuve.
(*) L’honnêteté journalistique qui honore notre rédaction nous oblige à préciser que ce qui était proposé à la même époque sur les écrans ne transpirait pas la finesse et la légèreté.